jeudi 16 juillet 2015

Locked out

Le plus douloureux, ce sont toutes ces fins de journée, tous ces week-end vides quand tu disparais pour rejoindre ta vraie vie, celle dans laquelle je n'existe pas. C'est cette grande claque que je reçois et qui me ramène à la réalité ; c'est cette grande claque qui me coupe de toi et qui me brise les paupières. Le plus douloureux, c'est ce moment précis où mon ventre se tord alors que tous ces mots d'amour auxquels tu m'inities ne vont plus que danser dans ses oreilles à elle. 

Je l'imagine s'enrouler autour de toi. Longue et fine sous ses boucles noires et ses grands yeux de chat. Je l'imagine - sans jamais l'avoir vue - s'accrocher à tes épaules pendant que tu tiens sa tête entre tes mains et avant qu'elle ne tienne la tienne entre ses cuisses. Je vous imagine et ça me brûle les yeux, ça me brûle les poumons.

Le plus douloureux, c'est de me réveiller en sueur après l'avoir entendue jouir sous ta bouche agile dans un rêve insupportable. Le plus douloureux, c'est alors de ne pas retrouver ton corps à toi pour me rassurer, c'est me rappeler que tu es bien auprès d'elle, vos jambes entre-mêlées. C'est de ne pas entendre l'inquiète interrogation dans ta voix endormie, de ne pas sentir ton bras qui me ramène toute entière contre toi, m'affolant de ton parfum, de ton odeur. C'est de n'avoir pour seule réponse qu'un long dos fuyant dans un drap silencieux

Je l'imagine dans ton quotidien, sur le siège passager, pendant que je suis plantée là, sur ce foutu quai, pendant que je prends tous ces trains en sens inverse. Je l'imagine dans ta cuisine, dans ta salle de bain. Je vois le sourire qu'elle te tend quand elle te retrouve tous ces soirs où je ne suis rien. Puis, je t'imagine, toi. Les mains sur ses hanches, les mots sur l'oreiller, le verre de vin que tu lui sers, les éclats de rire que tu lui provoques. Je t'imagine, toi, oui. Tendre, attentif sous ton regard bleu, tes lèvres déliant ces "je t'aime" qui n'ont pas le même goût quand ils caressent sa peau à elle. 

Le plus douloureux, c'est de n'être que le second choix. C'est de savoir pertinemment qu'il n'y aura jamais plus que des moments volés, éloignés, qui viendront soulager ponctuellement des soirées de solitude, des mois d'angoisse. Le plus douloureux, c'est de savoir déjà que tu ne me choisiras jamais et surtout, c'est de savoir pourquoi. Le plus douloureux, c'est d'essayer d'accepter de ne jamais être ta femme. C'est essayer d'accepter d'être l'Autre, quand bien même tu y places l'une des plus jolies majuscules.

Je l'imagine, le ventre rond du petit blond qui te ressemble déjà. Je t'imagine papa d'un enfant qui me sera toujours étranger. Pour enfin encaisser les mots qui me feront m'arracher définitivement de toi, qui me feront retrouver le vide auquel j'appartiens.

Malgré tout ça, je ne la déteste pas, non. 

Je voudrais seulement qu'elle n'ait jamais existé ; c'est peut-être pire.

2 commentaires:

  1. Ptain, comme ce texte me parle... Malheureusement, même si je ne suis plus dans l'ombre, le dernier paragraphe et surtout la dernière phrase sont terriblement d'actualité... (Dawn Girl)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Effectivement, j'ai un peu aussi pensé à toi en l'écrivant.
      J'espère que tu sors la tête de l'eau, malgré tout et que tu vis une belle histoire maintenant.

      Supprimer