jeudi 3 janvier 2013

J'écris ça pour ne pas t'écrire toi.


Il pleut sur le quai exceptionnellement désert de Maville. C'est cette toute petite pluie fine qui se dépose sur mon bonnet et sur le bout de mon nez glacé. J'avance le long des rails, les épaules rentrées, jusqu'au grand lampadaire du milieu. Je jette un rapide coup d'oeil sur mon téléphone, comme si depuis les trente dernières secondes dix minutes avaient pu passer. Je tourne la tête dans tous les sens, je délie ma nuque et creuse mon dos. Je tourne sur moi-même du bout de mes talons de Madame. J'avance et finalement je préfère reculer, j'ai froid, mais non ça va, promis.

Le train s'approche lentement, mal réveillé, dans un brouillard imaginé. Il fait encore sombre et je distingue à l'intérieur les mille visages des passagers, sous les rayons indélicats des rames du RER.

J'entre, ça bouscule un peu, je m'y habitue pas vraiment malgré tous ces matins interchangeables. Aujourd'hui, j'ai de la chance, il reste encore quelques places assises. Je fixe mon regard sur un point au hasard mais très vite ce sont ces visages tout autour qui m'attirent. Au delà de leurs artifices, je remarque leurs détails, leur jeunesse ou leurs rides, leurs pleins et leurs creux. Ce sont autant de combinaisons imparfaites aux formes toujours plus incroyablement variées. Pommettes vers le ciel ou vers le sol, rougies ou tachetées. Les cheveux sur le front ou plus loin sur le crâne. Bouclés, blonds, roux, crépus, ternes, soyeux, coiffés, négligés, absents. Ces grands yeux profonds ou bleus sans expression. De longs sourcils aigus soulignés au crayon ou deux beaux brouillons dégradés jusqu'aux paupières. 

Je suis curieuse de chacun de vos visages, qu'on les juge enchanteurs ou insupportables. Je vous détaille discrètement chaque matin et chaque soir. Je me remémore vos défauts en remontant le Chemin de la Hunière. Je vous trouve beaux, je vous trouve laids. Vous me fascinez ; vous me répugnez. 

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