Louis marchait le long des docks gris
et froids de Rouen.
C’était un samedi et, ce jour-là,
il avait fait beau. Les derniers rayons tombaient tristement dans une Seine
huileuse à l’horizon dépouillé. La lumière déclinait alors étage par étage, sur
ces dizaines de barres d’immeubles salies par l’indifférence des hommes. Ce
samedi ressemblait à l’un de ces dimanches que l’on déteste.
Rive gauche. Des couples écorchés
trouvaient encore dans leurs mains liées l’amour des premiers mois. Malgré les
débâcles silencieuses qui ont parfois remué tout leur corps.
Des enfants aux joues rouges accrochés
aux manches de leurs parents glissaient sur des rollers flamboyants. D’autres s’enfuyaient
sous le regard impuissant d’un papa courageux avant de revenir coller leur
petit nez essoufflé dans ses basques. Ils avaient tous l’air heureux et accablé
à la fois. Sur leurs épaules, tout le poids d’un samedi qui s’éteint. Ces quelques
heures de pause, sous un soleil en trompe l’œil, se retiraient déjà.
Louis, tout ça, ça lui rappelait
quand il était gosse. Il se rappelait les descentes assis sur un skate avec son
frère et les graviers collés dans leurs paumes ensanglantées. Les parcours dessinés
à la craie dans la rue, ceux avec les feux rouges, les « stop » et
les arrêts de bus. Même qu’il y avait pas de bus mais on faisait comme si. On
faisait tellement "comme si" qu’aujourd’hui Louis ne sait plus très bien distinguer
ce qui était imaginé de ce qui ne l’était pas.
Ca lui rappelait ces fins de
semaine tristement ensoleillées. Quand il faisait du vélo avec son père, qu’il
l’emmenait dans ce parc où était plantée cette grande maison en bois, aux
milles étages. Quand il tremblait un peu en avançant sur les poutres fragiles mais
qu’il croisait le sourire malicieux de cet homme-là.
Louis marchait le long des docks gris
et froids de Rouen. Il avait encore jusqu’à 18h pour échanger son ticket
n°7584XPL179-M contre ce putain de papier.
Accepter de savoir. Quelle que
soit la réponse. Quelles qu’en soient les conséquences.
17h59. Et la minute la plus
longue de sa vie.
Maintenant, il ne reste plus qu'une chose à faire : nous raconter ce qui se passe après 18h ;-)
RépondreSupprimerJe n'étais pas venue depuis longtemps, tes textes sont toujours aussi beaux.
RépondreSupprimerUn jour, ça sera positif.
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