L'automne semble vouloir accrocher l'été pour se faire pardonner de s'installer déjà. Il fait nuit. Sur la toute pointe des pieds, S. se penche à sa fenêtre et agrippe le volet. Un petit nuage de vapeur s'échappe de sa bouche, soulagée de cet effort. Puis, d'un geste sec et précis, elle rabat le rideau. Fin.
Pour la centième fois de la journée, elle passe sa main sur sa nuque douloureuse, regarde ses mails. Actualise. Actualise encore. Elle pense à ce qu'elle devrait faire. Acheter des timbres verts, les nouveaux. Étoffer la rubrique "intérêts" de son CV et en imprimer quelques uns. Faire le tour de tous les sites de recherche d'emploi soigneusement répertoriés dans son fichier Excel 2003. Dresser une nouvelle liste d'entreprises et d'institutions potentielles. Frapper aux portes. L'angoisse monte doucement au creux de son ventre et l'encercle peu à peu.
Et si ça durait ? Des mois et des mois... à regarder le monde tourner, à n'avoir plus rien à raconter que des rendez-vous Pôle emploi, à culpabiliser de ne pas trouver, de mal chercher, de ne pas être prête alors qu'il n'y a pas d'alternative. C'est éviter soigneusement toute situation sociale qui pourrait amener le fameux.. "Et toi, S., quoi de neuf ?" Oh moi, tu sais... Et toi ? Parlons de toi !
Le téléchargement est fini. S. lance l'épisode 3 et efface son stress dans un format 40 minutes. On en reprendra bien une deuxième fois. Merci l'Amérique !
S. regarde l'heure, passe la main sur sa nuque, actualise sa boite mail une dernière fois. Elle se dit, au plus profond d'elle-même, que tout ça ne lui ressemble pas. L'angoisse revient doucement et lui serre la gorge. Elle avale sa salive, retire ses chaussettes sous la couette et se met sur le ventre, un bras sous l'oreiller. Seule dans sa tête. Seule à savoir.
Comme je comprends ça... L'inactivité a vraiment quelque chose de flippant. Et c'est horrible, d'ailleurs, qu'on en arrive à culpabiliser et à déprimer de ne pas de pourrir la vie dans un travail abrutissant. Bon courage, en espérant que ça change vite.
RépondreSupprimer(Misfits c'est anglais ! Enfin, si tu parlais bien de cette série...)
C'est exactement ça. Souvent, je me dis que je ne suis pas faite pour le boulot pour lequel je suis formée. Dans un bureau, sans rien créer, seulement exécuter. Subir parfois. Je postule pour des jobs qui ne me ressemblent pas. Résignée, c'est un peu triste au fond.
RépondreSupprimerJe n'arrive pas à me réjouir d'avoir enfin du temps. Le chômage, c'est le mal.
Concernant Misfit, je n'en parlais pas spécialement dans le texte mais effectivement c'est bien la référence de mon titre. Je trouvais ça particulièrement bien "adapté" pour une série que j'aime beaucoup. D'ailleurs, je vais me lancer un petit épisode...
Pour avoir les moyens de vivre de l'art, faut souvent commencer par conserver un job alimentaire... ou alors faut naître dans le XVIe.
RépondreSupprimerVoilà. Une histoire de mécénat. Ou de chance. Ou de sous.
RépondreSupprimerEnfin...je me souviens de mes réponses butées à ma mère après le bac. Elle me pressait de "choisir un métier". Comment faire un bon choix censé durer des années à dix-sept ans, d'autant plus dans le stress?
J'ai vaguement l'impression que les paroles de Liberta de Pep's sont vraiment bien trouvées, notamment "Tout petit, après neuf mois à peine, on t jette dans une vie où tu perds vite haleine." .
J'avais entendu parler d'une sorte de lycée spécial où les élèves pouvaient rester et pratiquer un peu ce qu'ils voulaient comme matières, pour pouvoir décider plus sereinement de l'avenir. Je trouve ça bien. Mieux vaut prendre le temps de prendre une décision plutôt que d'en prendre une que l'on regrettera, qui ne nous "appartiendra pas".
Pour revenir à l'inactivité, je m'en souviens bien. Ce sentiment de culpabilité diffuse, d'abandon, de solitude. Tourner comme un lion en cage, m'énerver pour un rien, ne plus sortir...
Une des solutions, semble-t'il, semble être de sortir tous les jours, même si c'est pour aller faire des courses. Et, encore mieux, d'avoir des activités/aller dans des lieux où on apprend des choses au moins utiles à soi, sinon qui font plaisir.
Apprendre, ça fait se dépasser, je trouve. Progresser, étendre ses connaissances techniques et théoriques, humaines aussi. Même si c'est cinq minutes tous les jours.
On a au moins l'impression que tous les jours ne sont pas identiques.
Pour renforcer cette impression, je tiens sur un bloc-notes (avec un bic bleu qui refuse un coup sur deux de fonctionner) une liste des choses que j'ai faites et ressenties dans la journée.
Courage. A ce qui paraît, il y a mieux et moins manifestement absurde, comme vie.
Je vais essayer de suivre ton conseil. Sortir un peu tous les jours. C'est ce que je faisais au début mais j'ai de plus en plus de mal. Le froid n'encourage en rien mais c'est plus une excuse qu'autre chose. A 30 bornes de Paris, j'aurai plein de choses à faire. Il me faudrait un peu de sous, juste histoire de payer le RER en toute quiétude.
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